mercredi 9 janvier 2013

Expérience de Kelman sur le conformisme

Ainsi, Kelman (1958) a mis en évidence trois formes de conformisme, en rapport avec les conditions sociales où elles émergent.

La complaisance : dans ce cas le conformisme est utilitaire; l’individu souhaite « ne pas avoir d’histoires » ou « avoir la paix », il se conforme pour pouvoir préserver l’approbation du groupe sur lui et continuer d’y être accepté. Les propres croyances du sujet ne sont pas atteintes (différence entre opinion publique et opinion privée). Cette forme de conformisme apparaît en particulier quand la relation d’influence est fondée sur des relations de pouvoir dans lesquelles celui qui cherche à influencer est celui qui a le pouvoir.

L’identification : dans ce cas le sujet désire maintenir ou établir des relations positives avec un groupe qui l’attire, qui est important pour lui. Le sujet croit éventuellement ce qu’il affiche, mais ce qui lui importe, c’est sa relation au groupe.
Cette forme de conformisme se développe si un groupe attractif existe dans l’environnement socio-affectif du sujet : c’est ce que l’on appelle groupe de référence.

L’intériorisation : dans ce cas, le conformisme ne vient ni du contrôle social, ni de la visibilité d’un groupe valorisé, mais du fait que le contenu évoqué par la source d’influence est intégré dans le système de valeurs du sujet. Celui-ci modifie alors ses croyances indépendamment de la source d’influence. Pour Kelman, c’est possible quand celle-ci a une haute crédibilité (notoriété, compétences, prestige), de sorte que son message a pour le sujet valeur de vérité ou d’objectivité. Il s’agit en fait d’une véritable restructuration cognitive du sujet, c’est à dire d’une modification en profondeur de son mode de pensée.

Dans tous les cas, il faut bien voir que le conformisme est le résultat d’une négociation tacite entre les points de vue d’un groupe ou d’un individu qui font autorité et ceux qui s’y trouvent confrontés. Cette négociation a lieu pour résoudre le conflit provoqué par leur divergence. La solution choisie dans le cas du conformisme correspond à une réduction de ce conflit par l’adoption de la norme qui fait autorité.

L’expérience de Kelman

L’expérience a lieu au moment où la Cour Suprême, aux États-Unis, s’apprête à faire voter une loi contre la ségrégation de Noirs dans les écoles publiques américaines. Les sujets sont des étudiants noirs, majoritairement antiségrégationnistes. On leur fait écouter une soi-disante émission radiophonique, dans laquelle l’orateur défend le point de vue qu’il faut maintenir quelques établissements noirs, pour préserver la culture et l’histoire des noirs.

3 conditions :

- Dans une première condition, on dit aux étudiants que l’orateur est le Président pour la Fondation des Collèges Noirs et celui-ci annonce sa décision de supprimer les aides financières aux collèges qui s’opposeraient à la décision. Il s’agit donc d’une condition où le contrôle social de la source est élevé.

- Dans une deuxième condition, on dit aux étudiants que l’orateur, également un noir, est leprésident d’une organisation qui a joué un grand rôle dans la décision de la Cour Suprême. Celui-ci insiste sur le fait qu’il représente l’opinion de l’ensemble des membres de son organisation. Il s’agit donc d’une condition dans laquelle l’attrait de la source est élevé.

- Dans une troisième condition, on dit aux étudiants que l’orateur, cette fois-ci un blanc, est un historien prestigieux. Celui-ci appuie son argumentation sur ses (soi-disant) recherches scientifiques. Dans cette condition, c’est la crédibilité de la source qui est mise en évidence.

Après avoir entendu la bande, les étudiants devaient répondre à trois questionnaires :
- un premier juste après l’écoute, sur lequel ils notaient leur nom
- un deuxième qui était anonyme juste après le premier
- un troisième trois semaines après l’écoute
C’est seulement à propos du premier qu’on leur disait que les résultats seraient communiqués à l’orateur.

Voici les résultats :
- lorsque l‘orateur est présenté comme ayant des moyens de contrôle et de sanctions, les sujets se conforment à son opinion, mais uniquement quand le questionnaire est nominal. Ce n’est plus le cas lorsque celui-ci est anonyme ni quand on y répond trois semaines après.
- lorsque l’orateur est présenté comme le président d’une association qui fait référence pour les sujets, ils se conforment à son opinion tant que celui-ci et le groupe qu’il représente sont visibles, existants à leurs yeux (deux premiers questionnaires). Trois semaines plus tard, ils ne se conforment plus.
- lorsque l’orateur est présenté comme un scientifique prestigieux, les sujets adhèrent à son opinion dans les trois conditions de récolte des réponses, y compris trois semaines plus tard.

Cette expérience met en évidence que les différentes modalités du conformisme ( par complaisance, identification et intériorisation ) dépendent des caractéristiques de la relation entre la source et la cible d’influence.

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