lundi 25 février 2013

Qui sont les psychothérapeutes efficaces ? Implications pour la formation en psychologie

Résumé :
En se fondant sur l’analyse des résultats de recherche portant sur le changement et l’efficacité thérapeutiques, il apparaît possible de dessiner un profil des psychothérapeutes efficaces. Les multiples méta-analyses dont on dispose soulignent en effet qu’il est impossible de passer sous silence la variabilité de l’impact thérapeutique due aux caractéristiques des psychothérapeutes, des clients et de la relation thérapeutique. Les techniques et les interventions n’ont d’efficacité que dans leur liaison étroite avec ces caractéristiques. L’article conclut sur les implications de ces constats pour la formation en psychologie des futurs psychothérapeutes, c’est-à-dire pour le développement et le soutien de leur identité, de leur compétence et de leur efficacité professionnelles.

Mots clés : formation, psychothérapie, efficacité et changement thérapeutique, caractéristiques du psychothérapeute

Préambule
Dans cet article, nous proposons une réflexion sur ce que nous estimons, comme nombre d’auteurs, être la variable la plus négligée du domaine de l’efficacité en psychothérapie. Cette variable, celle des caractéristiques du psychothérapeute, est d’ailleurs ignorée tant dans le champ de la recherche que dans celui de la formation en psychologie clinique (Garfield, 1997). La réflexion proposée s’appuiera sur la présentation et l’analyse de recherches portant sur les processus et les résultats thérapeutiques. Elle vise également à susciter une réflexion dépassant le cadre des spécificités théoriques des uns et des autres.

Introduction
Même si tout le monde reconnaît implicitement que les psychologues n’ont pas une efficacité identique, il n’y a quasiment pas d’études concernant les caractéristiques liées à ce constat. Pourtant, les manifestations de ce constat sont claires : quand il s’agit de recommander un psychologue-psychothérapeute à un ami ou à un membre de sa famille, il ne vient à l’idée de personne de faire un choix au hasard, ni même de se déterminer en fonction de critères purement théoriques ou techniques. Au-delà de leurs diplômes et de leurs orientations, c’est la personne du psychothérapeute qui devient la considération la plus importante. Le sens pratique rejoint ainsi les résultats des méta-analyses portant sur l’efficacité en psychothérapie. Depuis près de 30 ans, elles soulignent en effet que la variabilité des résultats obtenus avec des clients est davantage liée à la variabilité entre les psychothérapeutes qu’aux techniques employées ou aux traitements utilisés (Blatt, Sanislow, Zuroff et Pilkonis, 1996; Crits-Christoph, Barancackie, Kurcias, Beck, Carroll, Perry, Luborsky, McLellan, Woody, Tompson, Gallagher et Zitrin, 1991; Luborsky, McLellan, Diguer, Woody et Seligman, 1997; Wampold, 2001). Dans une méta-analyse récente portant sur les méta-analyses déjà réalisées, Wampold (2001) parvient à des conclusions semblables. En s’appuyant sur des critères rigoureux d’inclusion des études dans sa revue, il montre en effet qu’à peine 8 % de la variance du changement thérapeutique s’explique par l’utilisation de techniques spécifiques, alors que 92 % de cette variance est liée à des facteurs communs à toutes les psychothérapies. Une analyse plus poussée des données suggère que le facteur le plus important pour expliquer la variabilité des résultats thérapeutiques est sans contredit le psychothérapeute. Non seulement certains psychothérapeutes sont plus efficaces que d’autres, mais ils sont, en outre, responsables de l’efficacité d’ensemble obtenue (Crits-Christoph et al., 1991). Ajoutons que la comparaison entre traitements ou entre techniques met encore au compte de la variabilité entre psychothérapeutes, selon Wampold (2001), la part la plus importante de la variance expliquée dans le changement thérapeutique. Enfin, plusieurs études démontrent que certains psychothérapeutes sont efficaces d’une façon constante alors que d’autres sont inefficaces quel que soit le traitement utilisé (Luborsky et al., 1997; Luborsky, Crists-Christoph, McLellan, Woody, Piper, Imber et Liberman, 1986; Orlinsky et Howard, 1980). Ces derniers résultats rejoignent d’ailleurs ceux mis en évidence il y a bientôt quarante ans par Garfield, Affleck et Muffly (1963) quand ils démontraient qu’un tiers des psychothérapeutes arrivait à créer un processus thérapeutique positif avec les trois-quarts de leurs clients, mais que le deuxième tiers n’y parvenait que pour une moitié de ces clients quand le dernier tiers n’y arrivait qu’avec un quart.

Ainsi, la démonstration scientifique de l’importance du rôle du psychothérapeute dans l’efficacité du processus thérapeutique est-elle loin d’être nouvelle et, suite aux premières méta-analyses des années 1970, Bergin et Lambert (1978) et Lambert (1989) avaient d’ailleurs argumenté dans ce sens en considérant que le psychothérapeute constituait un facteur d’explication du changement thérapeutique largement supérieur à celui des techniques spécifiques. Comment expliquer alors qu’aussi peu de chercheurs se soient essayés à trouver des éléments explicatifs de cette contribution importante du psychothérapeute? Pourquoi n’avons-nous pas assisté à la réalisation d’études et d’analyses portant sur les qualités et les attributs des psychothérapeutes efficaces? Pourquoi nos programmes de formation ont-ils largement ignoré ou négligé les implications de ces résultats et ont-ils continué à donner une telle préséance aux facteurs techniques et théoriques, tout comme dans la recherche ?

Diverses raisons peuvent, sans aucun doute, être invoquées. Ainsi, dans une époque où les critères de rentabilité et d’efficacité sont érigés en quasi-dogme, mettre au premier plan la question du facteur humain, incarnée par la figure du psychothérapeute lui-même, va très probablement à contre-courant des exigences dictées par ces critères. Comme on l’a dit, les recherches et les programmes de formation ignorent ou négligent ce facteur. Elles se limitent aux facteurs réputés les plus objectifs. Ainsi, en 1998, la division Psychologie Clinique de l'American Psychological Association (APA) s’est engagée à démontrer la valeur empirique de certains traitements. Dans une démarche qui serait, selon certains, fondamentale pour la survie des services de psychothérapie en Amérique du Nord, elle a tenté d’homogénéiser, pour ne pas dire uniformiser, les caractéristiques des psychothérapeutes et des clients. Avec le modèle médical en point de mire et sa logique de l’efficacité médicamenteuse, un traitement psychothérapeutique est déclaré comme ayant des bases empiriques lorsqu’il produit des résultats supérieurs à un traitement placebo ou à un traitement alternatif et que cette supériorité est attestée dans au moins deux recherches différentes. Il trouve alors place dans un manuel précisant quels traitements spécifiques sont possibles pour quels problèmes spécifiques, et ce manuel devient le guide de la marche à suivre. Suite à une telle opérationnalisation il n’y a donc rien de surprenant à ce que 19 des 22 traitements déclarés valides ou s’appuyant sur des données probantes relèvent des approches béhaviorale, cognitive ou cognitive-béhaviorale. De telles bases de validation de l’efficacité ignorent en effet la variabilité des psychothérapeutes et des clients tout comme elles ignorent l’influence de la relation thérapeutique. La contribution originale des approches humanistes et psychodynamiques est remise en question et, pire encore peut-être, on peut craindre que l’utilisation de tels critères de validation en arrive à démontrer l’efficacité de traitements ésotériques, voire farfelus (Wampold, 2001).

Mais, à ne pas tenir compte de l’influence de la variabilité due aux psychothérapeutes, aux clients et aux facteurs relationnels, on se condamne à n’expliquer qu’une faible part de l’ensemble de la variance du changement thérapeutique (Bergin, 1997). C’est d’ailleurs ce que confirment les résultats d’une importante étude subventionnée par le National Institute of Mental Health (NIMH). Cette étude menée par Blatt et al., (1996) fournit des données visant à comparer la thérapie cognitive-béhaviorale, la thérapie interpersonnelle, la pharmacothérapie et un placebo. Les auteurs soulignent que les trois traitements produisent des effets supérieurs au placebo, mais qu’ils ne se démarquent pas les uns des autres. Par contre, l’analyse plus approfondie des résultats met à jour des différences significatives entre les psychothérapeutes, indépendamment des traitements. 30 % d’entre eux obtiennent en effet des résultats supérieurs à leurs confrères, et cela indépendamment des approches qu’ils utilisent. Ainsi, malgré tous les efforts pour annuler la variabilité attribuable à l’influence du psychothérapeute en utilisant des manuels systématiques de formation et d’intervention, ce facteur semble influencer de façon significative les résultats obtenus : le psychothérapeute contribue largement à expliquer la variabilité des résultats obtenus dans toute démarche thérapeutique, quelle qu’en soit l’approche.

Paradoxalement, la quête de compétence de l’étudiant comme du psychothérapeute constitue très certainement une deuxième raison du désintérêt pour la variabilité due aux psychothérapeutes. Face à une pratique caractérisée par l’ambiguïté et la complexité, quoi de plus naturel, en effet, lorsqu’on se sent dépassé, démuni voire impuissant que de tenter de chercher une direction, ou, mieux encore, une certitude. On se limite alors souvent aux seuls aspects techniques ou théoriques apparemment plus maîtrisables. Ainsi, les ateliers de formation les plus recherchés par les psychologues cliniciens en exercice portent essentiellement sur des savoirs et savoir-faire qui correspondent la plupart du temps aux axes du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV). Des questions comme « Que faire avec des personnes souffrant de troubles anxieux? » ou « Comment traiter les personnes présentant, selon le DSM-IV, des troubles de la personnalité? » sont particulièrement courues par les psychologues cliniciens, avec l’espoir de résoudre la complexité des situations qu’ils rencontrent, voire de mettre fin aux impasses thérapeutiques dans lesquelles ils se trouvent. Des propositions axées sur la maîtrise de connaissances et de techniques d’intervention peuvent alors être accueillies, soit qu’elles agissent à la manière d’un baume, soit qu’elles suggèrent des directions inattendues et inespérées. Pourtant, là encore, à essayer d’appliquer ces stratégies et remèdes techniques, nombre de cliniciens se retrouvent sans les résultats escomptés. Plus démunis encore, voire honteux, ils concluent souvent à leur propre incompétence. Ils ne savent alors à qui confier leurs échecs et leurs doutes puisque la compétence semble se limiter à la maîtrise des techniques et des savoirs qu’ils ont appris. Cela arriverait-il si l’on avait plus souvent attiré leur attention sur le fait qu’aucune approche n’est vraiment supérieure aux autres, et qu’on dispose de peu de connaissances vraiment établies en matière de changement thérapeutique? Car, de fait, les études portant sur les traitements spécifiques sont loin d’offrir des résultats impressionnants. Prenons l’exemple de la thérapie cognitive-béhaviorale. Elle est considérée comme étant le traitement privilégié pour les troubles anxieux, mais à peine 50 % des clients arrivent à se débarrasser complètement de leurs symptômes suite au traitement (Newman, Crits-Christoph, Connolly Gibbons et Erickson, 2004). Prenons encore l’exemple du traitement de la phobie. Une certaine unanimité s’exprime pour reconnaître la supériorité de l’approche béhaviorale pour le traitement des phobies. Ce que l’on sait, c’est que des résultats positifs sont obtenus chez 75 % des clients qui achèvent le traitement. Mais ce que l’on sait moins c’est que 49 % des clients refusent de participer au traitement ou l’abandonnent (Barlow et Wolfe, 1981). Voilà qui entraîne une révision substantielle de l’efficacité de ce traitement. Ces diverses considérations devraient donc nous inviter à des attitudes d’humilité et d’ouverture (Castonguay, Reid, Halperin et Goldfried, 2003).

On retrouve cette même problématique avec les programmes de formation universitaire. Ils sont surtout axés sur la formation théorique et technique et négligent les facteurs les plus explicatifs de l’efficacité thérapeutique relatifs aux caractéristiques du psychothérapeute et de la relation thérapeutique. Les étudiants rapportent ainsi apprendre leurs compétences cliniques soit en tentant d’imiter, voire de copier, des « experts », soit en dissimulant leurs difficultés ou leurs réactions subjectives, soit en « faisant comme si », soit en se soumettant aux exigences académiques, soit encore en tentant d’apprendre sans tenir compte de qui ils sont. Cela ne les prépare visiblement pas à un travail caractérisé par la complexité et l’ambiguïté dans un tel climat.

On retrouve encore cette problématique lorsqu’on s’intéresse aux modalités d’admission dans les programmes universitaires de formation en psychologie clinique et cela, tant aux Etats-Unis qu’au Canada et au Québec. L’importance reconnue des caractéristiques personnelles n’est pas prise en compte et les critères d’admission et de sélection les plus répandus, sinon les seuls, demeurent les résultats scolaires ou les résultats à des épreuves intellectuelles. Cela est cohérent avec le fait que les programmes sont d’abord pensés et organisés en fonction des savoirs et des savoir-faire. Tout se passe comme si, faute de savoir comment tenir compte des caractéristiques personnelles de l’étudiant en formation, certains concluent qu’il vaut peut-être mieux les ignorer, les éviter ou encore laisser à l’étudiant l’entière responsabilité de leur appréciation. Pour nombre de programmes, les fonctions d’évaluation semblent ainsi irréconciliables avec des objectifs de formation qui pourraient tenir compte du savoir-être. De rares programmes offrent cependant quelques expériences isolées axées sur des aspects personnels ou interpersonnels (ex. : dynamique de groupe, etc.). Mais leur caractère intensif et peu intégré à l’ensemble du programme soulève souvent plus de difficultés qu’il n’en résout.

Cet ensemble d’éléments concourt donc fortement à donner l’illusion que la compétence se résume à maîtriser des techniques et des connaissances et que l’efficacité en découlera. C’est d’ailleurs ce que toute une partie de la littérature scientifique renforce. Reste que, tôt ou tard, tout psychologue clinicien, quelle que soit son approche, est confronté à des impasses thérapeutiques ou à des situations complexes qui l’amènent à s’interroger sur sa contribution personnelle, en particulier dans la relation thérapeutique (Lecomte, 1999). Les résultats d’une étude du Comité National Américain sur la comorbidité éclairent cela. Ils soulignent en effet que les études de validation des traitements dits supportés empiriquement excluent de leur protocole la comorbidité, alors que plus de 79 % des troubles mentaux traités en clinique en comportent. On peut alors se demander si les traitements dits validés représentent vraiment la réalité clinique. Que ce soit dans le traitement des troubles dits sévères comme dans celui des troubles non sévères, les facteurs relationnels ainsi que les variables du psychothérapeute et du client jouent, de toute évidence, un rôle déterminant dans l’efficacité thérapeutique (Lecomte et Lecomte, 2000). Comme l’indiquent Frank et Frank (1991), le succès de toute technique passe d’abord par la qualité du lien émotif perçu par le client avec son psychothérapeute. Il faut donc s’intéresser à la question des caractéristiques du psychothérapeute qui facilitent l’établissement et la régulation de ce lien émotif : qui sont et que font les psychothérapeutes qui obtiennent des résultats positifs avec leurs clients de façon constante?

Qui sont les psychothérapeutes efficaces?
Si, au regard du volume des recherches portant sur les techniques et les traitements spécifiques, il n’y en a que peu à s’être penchées sur les caractéristiques du psychothérapeute compétent et efficace, on en dispose cependant d’un certain nombre. On procèdera à leur analyse à partir de leur classification en trois catégories. Dans le premier volet, on s’intéressera aux caractéristiques spécifiques et observables des psychothérapeutes. Dans le deuxième volet, seront abordées les dimensions relationnelles inférées à partir d’études empiriques. Enfin, dans la troisième catégorie, on cherchera à dégager les caractéristiques du développement du psychothérapeute telles que les recherches qualitatives amènent à les envisager.

Les caractéristiques spécifiques du psychothérapeute
Depuis les années 1950, plusieurs recherches ont tenté d’identifier et d’évaluer l’impact de diverses caractéristiques spécifiques du psychothérapeute sur l’efficacité du traitement. Les résultats de ce type de recherches sont plutôt décevants. Les études portant sur l’effet isolé de variables comme le genre, l’âge, l’ethnicité, l’expérience et la formation donnent des résultats difficilement interprétables (Hill et Corbett, 1993/1996). En fait, la contribution de ces variables ne semble prendre du sens que lorsqu’elles sont étudiées dans le contexte de la relation thérapeutique. Mais, malgré cela, les recensions récentes font état de résultats de recherche se risquant à recommander des pairages selon l’ethnicité, l’âge et le sexe (Beutler, Malik, Alimohamed, Harwood, Talebi, Noble et Wong, 2004). On peut alors se demander, lorsque l’on examine de plus près ces recommandations, si l’influence contextuelle de facteurs comme la sensibilité, la flexibilité des croyances et le degré d’empathie (Shanks Glauser et Bozarth, 2001) du psychothérapeute ne suffisent pas à expliquer l’essentiel des effets obtenus. L’influence accordée au background ethnique des psychothérapeutes dans le progrès thérapeutique refléterait en fait une sensibilité plus générale envers l’ethnique et le culturel chez certains d’entre eux.

L’impact thérapeutique attribuable à l’expérience et à la formation professionnelles continue d’être au centre de questions et de tensions (Stein et Lambert, 1984, 1995). Les résultats sont contrastés. Certains bilans indiquent des effets positifs, modestes, mais d’autres n’en trouvent quasiment pas ou pas du tout (Crits-Christoph et al., 1991; Shapiro et Shapiro, 1987). Pourquoi des résultats aussi contradictoires? Il y a tout d’abord un problème de définition : ce qu’on entend par formation professionnelle et par expérience professionnelle est loin de faire consensus. Par ailleurs, le choix d’étudier isolément telle ou telle variable semble se faire d’une façon quelque peu arbitraire et indépendamment de toute représentativité quant à la complexité du contexte interactif de la psychothérapie. Henry, Strupp, Butler, Schacht et Binder (1993) illustrent bien la complexité de la mesure et de la définition de la formation et de la compétence dans une de leurs recherches. Ils observent que plus un psychothérapeute est déclaré compétent dans son adhésion à un modèle thérapeutique et dans l’application qu’il en fait, plus l’alliance thérapeutique fait problème et plus le progrès thérapeutique est compromis.

On est donc bien incité à penser que de tels résultats problématiques sont une conséquence logique de tout programme de formation dès lors qu’il ignore ou néglige l’importance des caractéristiques du psychothérapeute et de la relation thérapeutique en tentant d’en uniformiser et d’en marginaliser l’influence. Des programmes axés sur les apprentissages techniques et théoriques ne peuvent en effet espérer préparer l’étudiant en formation à développer une conscience réflexive de soi et une capacité à s’utiliser dans des processus relationnels (Lecomte et Savard, 2004). C’est très certainement là qu’il faut trouver l’explication à ce constat déroutant, maintes fois retrouvé, du peu de différence en termes d’efficacité entre professionnels et non professionnels et entre novices et professionnels d’expérience. L’analyse de la contribution de l’expérience professionnelle et de la formation académique à l’efficacité thérapeutique ne cesse donc de faire question.
Il faut cependant reconnaître les importantes limites méthodologiques dont pâtissent plusieurs de ces études. Par ailleurs, certaines d’entre elles viennent nuancer les résultats qu’on vient de rapporter. Elles accordent, en effet, un avantage aux psychothérapeutes professionnels et expérimentés, en particulier dans le cas de troubles spécifiques et sévères (Beutler et al., 2004). Mais ces résultats sont loin d’être massifs. Pour l’expliquer, on peut évoquer le fait que, dans le traitement de plusieurs problématiques, la qualité de l’alliance de travail et les progrès thérapeutiques sont plus associés au niveau d’habiletés interpersonnelles qu’au niveau de formation universitaire en psychologie clinique (Anderson, 1999). Comme il n’y a que peu de raisons de supposer que les procédures d’admission favorisent un recrutement au dessus de la moyenne d’étudiants particulièrement habiles au plan interpersonnel, sans doute ne faut-il pas trop être surpris du peu de différences entre professionnels et non professionnels (ces non professionnels n’étant par ailleurs pas non plus le tout venant de la population). On est donc ramené au constat que ces dimensions sont encore trop peu intégrées dans les programmes de formation universitaire.

On peut également évoquer le fait que de tels résultats pourraient refléter le débat « techniques spécifiques versus relation thérapeutique » sous l’angle suivant. Pour le traitement des difficultés les moins sévères, l’influence des habiletés interpersonnelles contribuant à la relation thérapeutique serait suffisante. Dans le cas des troubles les plus sévères, l’utilisation de techniques spécifiques s’imposerait, mais combinées à la relation.
D’autres chercheurs ont tenté d’identifier d’autres caractéristiques spécifiques du « bon psychothérapeute ». Toute une variété de qualités définissant le « bon » psychothérapeute a ainsi été étudiée, par exemple, l’intelligence, la sociabilité, l’esprit psychologique, etc. Les résultats sont très clairs : aucune des variables étudiées n’a de lien significatif spécifique avec l’obtention de résultats thérapeutiques positifs (Beutler et al., 2004). Les attributs ou les qualités statiques des psychothérapeutes étudiés hors du contexte thérapeutique, c’est-à-dire hors de l’interaction spécifique entre un client et un psychothérapeute, ne semblent pas avoir ni de pertinence clinique ni statistique.
D’autres recherches, encore, ont tenté d’identifier les interventions et les techniques utilisées par les psychothérapeutes qui contribueraient le plus à l’efficacité thérapeutique (Beutler et al., 2004). Ainsi, des traitements dont l’application se fonde sur des manuels systématiques ont été comparés à des traitements sans manuels d’application. Les différences ne sont guère probantes. L’effet de l’adhésion du psychothérapeute à la fidélité dans l’application d’un traitement préconisé par un manuel semble fortement dépendre d’attitudes empathiques et d’un accordage émotif. D’autres recherches ont étudié diverses modalités d’interventions comme : - (a) l’impact du degré de directivité du psychothérapeute, - (b) les interventions centrées sur les symptômes versus la compréhension, - (c) les interprétations, - (d) les interventions axées sur la stimulation émotionnelle versus les interventions de soutien et, - (e) le dévoilement de soi du psychothérapeute. Que peut-on conclure de ces recherches? D’abord qu’aucune intervention n’est particulièrement efficace en soi (Lambert et Ogles, 2004) : les analyses indiquent ainsi de faibles niveaux de corrélation avec les résultats (Beutler et al., 2004). Ensuite que l’efficacité de ces modalités d’interventions semble plus prometteuse quand on s’intéresse aux interactions entre caractéristiques du client et du psychothérapeute plutôt que lorsque l’on cherche à les uniformiser et à les étudier isolément, comme c’est encore trop souvent le cas (Drouin, Lecours, Lecomte et Bouchard, 1995; Drouin, 2002).

Les caractéristiques relationnelles
C’est dans ce domaine que la littérature scientifique permet le mieux de préciser qui sont les psychothérapeutes efficaces et de donner du sens à leurs caractéristiques spécifiques. Depuis près de 30 ans, on l’a rappelé, de nombreuses méta-analyses voient dans la relation thérapeutique le meilleur prédicteur des résultats thérapeutiques (Beutler, 1997; Horvath, 1995; Lambert et Barley, 2002; Orlinsky, Grave et Parks, 1994). En d’autres termes, et de façon constante, les recherches démontrent que la relation contribue davantage au progrès thérapeutique que ne le font les techniques ou les procédures, les caractéristiques spécifiques du client ou celles du psychothérapeute (Luborsky et al., 1997; Sexton et Whiston, 1994). Ce critère de la relation et de la contribution du psychothérapeute à son établissement est donc le meilleur critère pouvant servir à distinguer un psychothérapeute efficace d’un psychothérapeute qui l’est moins. C’est la conclusion de Lambert (1989). Mais cette contribution s’effectue bien dans le cadre d’une relation et donc d’une interaction entre psychothérapeute et client et, dans toutes ces études, la perception subjective du client y est cruciale. La contribution du psychothérapeute ne peut alors être étudiée comme une variable indépendante pouvant être mise en oeuvre dans une procédure aseptisée appliquée à des clients vus comme interchangeables dès lors qu’ils ont le même problème. Le processus thérapeutique relève plutôt de l’influence personnelle et technique du psychothérapeute dans le cours d’une relation qui stimule l’engagement du client et mobilise ses ressources (Luborsky, 1994). Et cette relation influence à son tour le psychothérapeute. D’un processus linéaire, on passe à un processus bi-directionnel de collaboration et d’influence (Orange, Atwood et Stolorow, 1997).

Les recherches les plus éclairantes sur la relation thérapeutique ont porté sur l’alliance thérapeutique (Horvath et Greenberg, 1994), définie par Greenson (1967) comme le degré auquel le client et le psychothérapeute s’entendent sur des objectifs et des tâches, et vivent le lien émotif. Resituant la contribution du psychothérapeute et du client dans un champ d’influence, cette perspective interactive et intersubjective du processus thérapeutique incite à revoir en profondeur ce qu’on entend par caractéristiques du psychothérapeute. Savoir qui sont les psychothérapeutes efficaces renverrait ainsi à la question de mieux comprendre ce que font les psychothérapeutes capables d’établir et de réguler une relation thérapeutique optimale. Les recherches nous fournissent un certain nombre d’indications à ce sujet.

1) La qualité de la relation thérapeutique s’établit dès les premières séances et elle prédit les chances de succès thérapeutique (Hubble, Duncan et Miller, 1999). Que font les psychothérapeutes qui arrivent à être perçus très tôt par le client comme fiables et sensibles? Il apparaît qu’ils accordent une grande importance aux perceptions et aux réactions subjectives du client et qu’ils savent communiquer, tôt, leur compréhension de manière à ce que le client se sente entendu et compris. Faut-il conclure à l’importance de l’empathie? Le contexte dynamique et interactif invite plutôt à parler de réponses empathiques optimales, c'est-à-dire appropriées à l’expérience spécifique du client (Bacal, 1999). Un processus d’exploration caractérisé par une collaboration active, flexible et une quête de sens conjointe semble ainsi définir le plus ce qui contribue à la qualité de la relation et à l’impact thérapeutique (Hardy et Shapiro, 1985). Dans le même sens, certains auteurs (Bachelor et Horvath, 2002; Drouin, 2003) nous invitent à considérer l’empathie dans une perspective multidimensionnelle.

2) Arriver à créer un climat de confiance et de sécurité pour mobiliser l’engagement du client est un processus complexe. D’une part, les clients varient considérablement selon leur histoire de vie, dans leurs attentes et leurs perceptions de ce qui est aidant et utile. D’autre part, le psychothérapeute doit composer avec son incontournable subjectivité, ses propres attentes et sa perspective (Lecomte et Richard, 2003). Comment ces deux mondes subjectifs parviennent-ils à s’arrimer de façon significative et productive? Les psychothérapeutes efficaces semblent être ceux qui arrivent à reconnaître, à tous moments, leur propre subjectivité et surtout à trouver des modalités d’autorégulation et de régulation interactive leur permettant d’offrir des réponses sensibles et ajustées au plus près de l’expérience subjective spécifique et idiosyncratique du client. Bacal (1999) décrit ces interventions comme des réponses optimales.
3) Il n’est pas facile, même pour les psychothérapeutes les plus efficaces, d’arriver à maintenir cette ouverture et cette disponibilité aux clients de façon constante. C’est ce que révèle la pratique clinique et ce qu’indiquent certaines recherches. Tout en ayant des conséquences importantes sur l’évolution de la relation thérapeutique, ces variations prévisibles demeurent peu étudiées. L’interaction complexe entre l’expérience subjective du client et celle du psychothérapeute conduit inévitablement à des moments de tension, voire de ruptures et d’impasses relationnelles (Safran et Muran, 1995). Tout en ayant des conséquences importantes sur l’évolution de la relation thérapeutique, ces variations prévisibles demeurent peu étudiées. Les psychothérapeutes efficaces sont ceux qui arrivent à créer un processus d’exploration et de compréhension avec la participation active de leurs clients pour dénouer et donner du sens aux impasses relationnelles. De plus en plus de recherches viennent souligner que la plupart des psychothérapeutes, quelles que soient leur expérience et leur formation professionnelles, éprouvent d’énormes difficultés dans les situations de conflits ou de tensions interpersonnels (Binder et Strupp, 1997).

Dans les recherches effectuées avec le concours de psychothérapeutes de différents niveaux d’expérience professionnelle, la majorité d’entre eux font part d’échecs dans cette épreuve pourtant cruciale et déterminante. Ces épisodes s’expriment de diverses façons chez le client, pouvant aller de l’hostilité au retrait, à l’évitement et jusqu'à l’abandon de la thérapie. Ces résultats sont troublants et méritent attention. Dans l’idéal, un psychothérapeute espère arriver à maintenir, - ou à la restaurer quand il la perd -, une position de respect, d’empathie, de disponibilité émotionnelle et de chaleur tout au long du processus thérapeutique. Les recherches nous informent pourtant que la majorité des psychothérapeutes réagissent de façon émotive, soit en exprimant ouvertement leur colère, ou en n’étant plus disponibles, ou en ayant des conduites d’évitement, ou en exprimant subtilement leur rejet ou, plus fréquemment encore, en manifestant une attitude dépréciative (Binder et Strupp, 1997; Safran et Muran, 1995). Ce sont les comportements hostiles des clients qui semblent les plus problématiques pour les psychothérapeutes, la plupart d’entre eux réagissant alors avec hostilité à l’hostilité (Henry, Schacht et Strupp, 1990; Safran et Muran, 1995). Craignant les réactions de leurs psychothérapeutes, plusieurs clients préfèrent dissimuler ou éviter de leur faire part de leurs expériences négatives (Rennie, 1992). Ces profondes incompréhensions, non communiquées, ne sont ni perçues ni identifiées par la plupart des psychothérapeutes et leurs effets négatifs sur la relation thérapeutique aboutissent souvent à des impasses et à des résultats désastreux (Johnson, Taylor, D’Elia, Tzanetos, Rhodes et Geller, 1995).

Les psychothérapeutes efficaces parviennent, quant à eux, non seulement à reconnaître avec sensibilité l’existence d’une impasse relationnelle mais également à situer le travail d’exploration de cette impasse dans une perspective mutuelle et intersubjective, sans chercher une causalité unidirectionnelle particulière (Foreman et Marmar, 1985). De plus en plus de recherches tendent à démontrer que ces psychothérapeutes savent s’engager dans un processus de conscience réflexive de soi (Delisle, 2001; Jennings et Skovholt, 1999; Normandin et Bouchard, 1993), d’une façon ouverte et non défensive par rapport à leurs émotions, leurs pensées et leurs actions (Lamboy, Lecomte et Blanchet, 2004). S’engageant dans cette démarche réflexive dans une perspective d’influence bidirectionnelle, le psychothérapeute cherche à se mettre en processus d’exploration avec le client, l’invitant avant tout à un dialogue émotif. C’est en s’appuyant sur un engagement verbal et non verbal authentique que le psychothérapeute manifeste sa conscience réflexive de ce qui se passe dans leur relation. Cette forme de dévoilement de soi semble pertinente pour faciliter le dialogue avec le client. Elle peut s’exprimer, par exemple, de la façon suivante : « Je suis en train de me demander si nous sommes sur la même longueur d’ondes. Qu’en penses-tu? ». Une telle perspective interactive et intersubjective donne un tout autre sens aux concepts de transfert et de contre-transfert en permettant de mieux tenir compte de façon concrète et réelle de l’expérience subjective tant du client que de celle du psychothérapeute (Lecomte et Richard, 2003).

Les recherches portant sur le style interpersonnel des psychothérapeutes soulignent et confortent l’importance de l’expression verbale et non verbale de l’expérience subjective du psychothérapeute dans l’interaction thérapeutique. Ainsi plus un psychothérapeute se sent bien avec un client, plus il manifeste des comportements verbaux chaleureux positifs, plus le client leur répond positivement et plus il y a progrès thérapeutique (Henry et al., 1990). De surcroît, plus il existe une complémentarité dans les patterns de communication du client et du psychothérapeute, plus le client connaît des améliorations dans sa situation (Andrew, 1990). La cohérence et la congruence entre les modalités d’expression verbales et non verbales du psychothérapeute semblent également faciliter le progrès thérapeutique (Bennun et Schindler, 1988).

4) Plusieurs recherches nous invitent à considérer de façon plus attentive des aspects liés à la santé psychologique du psychothérapeute. Dans leur recension de 15 études empiriques effectuées entre 1968 et 1991, Beutler, Machado et Neufeld (1994) soulignent que le degré de bien-être émotionnel du psychothérapeute apparaît lié au progrès thérapeutique du client. À l’opposé, divers degrés de détresse et d’épuisement professionnel sont associés aux résultats thérapeutiques de façon négative. Même s’il ne s’agit que d’études corrélationnelles dans ce domaine d’investigation, ces recherches suscitent la réflexion. Et ce, d’autant plus que nombre d’entre elles suggèrent que les psychothérapeutes ont des histoires de vie problématiques qui résultent en des motivations professionnelles complexes (Goldberg, 1986; Elliott et Guy, 1993). Au-delà de l’intérêt intellectuel qu’il y a à comprendre l’être humain, au delà du désir de l’aider, il semble bien que des enjeux motivationnels aveugles et non conscients soient agissants et qu’ils résultent parfois en des impasses aux effets désastreux. Faut-il pour autant qu’une psychothérapie personnelle soit exigée pour tout futur psychothérapeute? Les résultats des recherches ne semblent pas décisifs en la matière. Ils n’indiquent pas que les psychothérapeutes ayant consulté pour eux-mêmes obtiennent des résultats supérieurs aux autres (Clark, 1986). Quelques études rapportent cependant que les psychothérapeutes qui ont consulté sont un peu plus conscients de leurs réactions subjectives face à leurs clients (McDevitt, 1987). Quoi qu’il en soit, et indépendamment de la mise en place d’une exigence formelle de démarche thérapeutique à un moment précis pour les futurs psychothérapeutes, la question suivante reste posée : comment peut-on favoriser la reconnaissance active de l’influence incontournable des attributs relationnels du psychothérapeute, et en particulier de sa disponibilité émotionnelle, de son bien-être psychologique, de sa flexibilité et de son attitude empathique?

Les caractéristiques inférées à partir des études sur le développement professionnel du psychothérapeute

Dans cette catégorie, sont regroupées les recherches portant sur les facteurs que les psychothérapeutes eux-mêmes perçoivent comme cruciaux et centraux dans le développement de leur compétence, de leur identité et de leur efficacité. Ces études, souvent qualitatives, ont le grand mérite d’interroger des psychothérapeutes sur leur vécu professionnel, leurs défis, leurs questions et leurs satisfactions.

Dans une importante étude fondée sur des entretiens semi structurés mettant en jeu 100 psychothérapeutes regroupés en cinq classes selon leurs années d’expériences, Skovholt et Ronnestad (1992) s’intéressent au développement de la compétence professionnelle et tentent de cerner les enjeux et l’évolution du développement professionnel. Ils interrogent pour cela des paraprofessionnels, des étudiants diplômés et des psychothérapeutes de toutes durées d’expérience professionnelle. Un profil émerge. Les psychothérapeutes évoluent selon une séquence en 8 stades, sur un continuum qui va de novice à expert, en passant d’une pensée conventionnelle à un stade d’intégration qui se caractérise par une sagesse résultant d’expériences réflexives et de généralisations fondées sur des expériences. À chaque étape, le psychothérapeute fait face à des défis. Le passage d’un stade à un autre plus avancé repose essentiellement sur la capacité du psychothérapeute à utiliser le processus de conscience réflexive dans un climat où s’équilibrent la présence du soutien et l’ampleur du défi. À chaque stade correspondent des apprentissages qui exigent une réorganisation structurale de l’expérience subjective. Passer d’une quête de certitude à tenter d’apprivoiser la complexité et l’ambiguïté du changement thérapeutique n’est pas sans entraîner de profonds bouleversements dans l’expérience de soi et des autres. Skovholt et Ronnestad (1992) découvrent que certains psychothérapeutes n’arrivent pas à s’inscrire dans ce processus évolutif. Plusieurs stagnent et certains décident d’abandonner la pratique de la psychothérapie. D’autres effectuent une coupure suite à des expériences d’épuisement professionnel, en espérant trouver les moyens de s’engager dans ce processus continu de conscience réflexive. Par ailleurs, les chercheurs qualifient de pseudo développement les cheminements d’étudiants ou de débutants lorsqu’ils s’accrochent tôt et de façon rigide à une approche théorique à partir de critères souvent externes et qu’ils évitent les angoisses et les anxiétés du processus d’apprentissage de la complexité et de l’incertitude. Face aux exigences élevées de performance des programmes de formation, plusieurs étudiants tentent de survivre en évitant toute forme de déstabilisation dans leur processus d’apprentissage, ce qui correspond à éviter toute forme de véritable apprentissage.

Leur étude de l’évolution du développement du soi professionnel apporte un autre résultat troublant. Ce n’est, en effet, qu’après environ 30 ans d’expérience que les psychothérapeutes qui se sont engagés dans des efforts de conscience réflexive arrivent à vraiment s’accepter et à s’utiliser de façon authentique. Alors qu’il ne leur reste plus en moyenne que quelques années de pratique, ils arrivent enfin à être disponibles émotionnellement à soi et à l’autre, en se faisant confiance, tout en se sentant utiles et efficaces. La plupart soulignent avoir vécu des expériences de formation universitaire axées plutôt sur les aspects théoriques et techniques n’ayant offert que peu d’espace aux dimensions expérientielles. On peut alors se demander si cette évolution aurait pu être plus rapide : que ce serait-il passé si ces psychothérapeutes avaient eu la possibilité d’être formés plus tôt à développer leur conscience réflexive à travers un processus d’apprentissage favorisant l’intégration de leurs expériences personnelles et professionnelles et s’ils avaient obtenu le soutien nécessaire dans cette entreprise?

L’étude de Skovholt et Ronnestad (1992) a le grand mérite de souligner que c’est à travers un processus continu d’ouverture et de recherche s’appuyant sur des tentatives soutenues de conscience réflexive de soi que le psychothérapeute arrive à s’utiliser de façon compétente et authentique et à être utilisé de façon efficace par le client. Ce processus soutenu de conscience réflexive avec soi et les autres se développe d’une manière optimale lorsqu’il peut s’appuyer sur un environnement soutenant et disponible. L’absence d’un espace de réflexion interdit à nombre de psychothérapeutes de se risquer à être soi-même, de se risquer à apprendre tout simplement à l’expérimenter. S’engage alors un type d’apprentissage qui repose exclusivement sur un travail et des critères définis par d’autres pour guider le développement de son identité professionnelle.

Dans une autre recherche, utilisant une étude qualitative fondée sur un échantillonnage raisonné par boule de neige, Jennings et Skovholt (1999) ont abouti à la sélection de 10 psychothérapeutes reconnus comme experts par leurs pairs. Puis, à travers des entretiens semi structurés , ils ont tenté de préciser ce qui caractérise ces psychothérapeutes perçus comme des maîtres ou des experts. Première constatation : devenir un psychothérapeute perçu comme un maître repose sur beaucoup plus que l’expérience professionnelle et/ou les diplômes. C’est d’abord leur engagement continu et soutenu à s’améliorer professionnellement qui caractérise ces psychothérapeutes. Cet engagement s’exprime par leur passion d’apprendre et le maintien simultané de leur ouverture émotive à leur expérience et au feedback apporté par les autres, en particulier par leurs clients et par leurs collègues. Leur processus d’intervention repose d’abord sur leur habileté à établir et à réguler la relation thérapeutique. Leur style commun est reflété par l’adoption d’une position de conscience réflexive de soi face à la complexité et à l’ambiguïté du travail thérapeutique. Ces recherches suggèrent que les psychothérapeutes efficaces seraient ceux qui arrivent à une compréhension dynamique et structurée en demeurant disponibles émotionnellement à soi et à l’autre, lorsqu’ils s’engagent dans une alliance thérapeutique (Martin, Garske et Davis, 2000; Hillerbrand, 1989).

Poursuivant leur exploration du développement professionnel de psychothérapeutes, Skovholt et Ronnestad (2001) ont demandé à des psychothérapeutes de plus de 30 ans d’expérience professionnelle de partager leurs réflexions sur les aspects cruciaux de leur développement professionnel. Ces psychothérapeutes seniors soulignent avant tout l’importance et l’exigence d’intégrer leurs expériences personnelles et professionnelles pour arriver à une pratique satisfaisante et efficace. Ces résultats convergent notamment avec ceux de Ward et House (1991) qui mettent l’accent sur l’habileté de ces psychothérapeutes à utiliser de façon réflexive leurs expériences personnelles et professionnelles pour guider leur développement. On est, là encore, conduit à l’idée qu’un tel processus de réflexion et d’apprentissage devrait être au coeur de tout programme de formation. Des exemples bouleversants viennent illustrer les limites d’une formation se limitant aux aspects théoriques et techniques pour faire face à la résolution des impasses thérapeutiques et à l’expérience solitaire d’être confronté continuellement à la souffrance et la détresse des clients.

Dans le même ordre d’idées, des psychothérapeutes en exercice soulignent le peu ou l’absence de formation tenant compte de leur propre vécu face à des problématiques d’abus sexuels, de suicide, etc. Il est important et troublant de se rappeler que plus des deux tiers des psychothérapeutes féminins et d’un tiers des psychothérapeutes masculins rapportent avoir vécu des abus sexuels ou physiques dans leur propre histoire (Pope et Feldman-Summers, 1993). La plupart de ces psychothérapeutes se déclarent mal préparés à faire face à des situations comportant des abus suite à leur formation graduée universitaire.

À quoi faut-il se former pour devenir des psychothérapeutes efficaces?
Le groupe de tâche (Task Force) de la Division 12 de l’APA, celle de psychologie clinique, recommande une formation systématique aux traitements ayant été validés par des recherches empiriques (Chambless et Hollon, 1998). On l’a rappelé, 19 de ces 22 traitements sont d’orientation soit béhaviorale, cognitive-béhaviorale ou cognitive (Nathan et Gorman, 2002). Cette recommandation soulève plusieurs critiques autant de la part de cliniciens que de celle de chercheurs (Nathan, Stuart et Dolan, 2000). On a pu souligner ainsi que ces traitements laissent de côté des variables considérées pourtant comme les plus fondamentales telles l’alliance thérapeutique, les caractéristiques du client et celles du psychothérapeute (Ingram, Hayes et Scott, 2000). On a vu que, malgré des efforts considérables d’opérationnalisation dans le cadre de manuels de traitements, ils ne parviennent à expliquer qu’une faible fraction de la variance du changement thérapeutique et qu’ils produisaient des résultats équivalents aux approches non systématisées (Wampold, 2001). Une autre critique est prospective : au rythme où la validation de ces traitements avance, certains se demandent si nous n’aurons pas bientôt plus de traitements validés qu’il n’y a d’approches théoriques. On en est actuellement en effet à plus de 128 traitements validés à partir de protocoles d’essais cliniques. Considérant l’absence ou le peu de gain d’efficacité obtenu dans le cadre de l’utilisation de ces traitements, Beutler et Castonguay (2004) s’interrogent sur la pertinence et les bénéfices d’un tel développement.

De leur côté, les tenants de l’importance de la relation thérapeutique et des caractéristiques du psychothérapeute et du client ont réagi aux propositions de la Division 12, en créant leur propre groupe de tâche par l’entremise de la Division 29 qui est celle de la psychothérapie. Leur travail a conduit à la présentation d’une liste de conclusions empiriques établissant la contribution de la relation thérapeutique, celle du psychothérapeute et celle du client (Norcross, 2002). Tout en étant pertinentes, ces recommandations ne tiennent cependant pas compte des éléments spécifiques du traitement ou des techniques spécifiques. Comme le soulignent Beutler et Castonguay (2004), la psychologie clinique (Division 12) et la psychothérapie (Division 29) se retrouvent ainsi dans une impasse caractérisée par une polarisation entre une position centrée sur des techniques spécifiques et une autre position mettant la relation thérapeutique au premier plan.

Dans une tentative d’intégration et de rapprochement, Beutler et Castonguay (2004) ont créé un nouveau groupe de tâche réunissant les protagonistes des deux positions. Leur défi : identifier les principes validés du changement thérapeutique et intégrer aussi bien les facteurs spécifiques que les facteurs communs qui y contribuent. Les résultats préliminaires de ce projet semblent justifier sa pertinence. Ils suggèrent en effet que ces facteurs sont indissociables. La mesure de l’efficacité thérapeutique ne prend tout son sens que dans l’étude complexe, dynamique et non linéaire des contributions du psychothérapeute, du client et du traitement avec ses techniques spécifiques. Nous n’en sommes très certainement qu’aux premiers balbutiements des recherches (Goldfried et Wolfe, 1998). Et il en faudra encore bien d’autres pour que l’épistémologie cartésienne, rassurante mais réductionniste, cède suffisamment de terrain pour qu’on en arrive à bien représenter des mondes d’expériences subjectives en interaction, cherchant à résoudre ensemble des enjeux douloureux (Stolorow, Atwood et Orange, 2002).

Il est quand même étonnant qu’à propos d’une démarche aussi personnelle et subjective que la situation thérapeutique, des efforts aussi considérables aient été consacrés à tenter d’annuler, d’uniformiser toute influence humaine et subjective, tant celle du psychothérapeute que celle du client. Comme s’il était possible d’ignorer le caractère unique et idiosyncratique d’une personne. Qu’on soit donc ramené à « l’humain dans l’humain » et qu’on soit forcé d’en tenir compte est donc une bonne nouvelle. Les résultats de la recherche de Castonguay, Goldfried, Wiser, Raue et Hayes (1996) illustrent clairement cette problématique. Cette étude compare la thérapie cognitive avec une thérapie cognitive combinée à la médication, pour le traitement de la dépression. Les résultats suggèrent que : - (a) les psychothérapeutes qui ont facilité la qualité de l’alliance thérapeutique et l’engagement émotif du client dans l’application de la thérapie cognitive ont obtenu des progrès thérapeutiques et, - (b) les psychothérapeutes qui n’ont pas su négocier l’alliance thérapeutique et l’engagement émotionnel du client et se sont limités à l’application rigoureuse et rigide de la thérapie cognitive ont obtenu des résultats nettement inférieurs, voire négatifs.
Tenant compte des influences réciproques du client et du psychothérapeute dans l’application du traitement et nous appuyant sur les résultats de recherche, que pouvons-nous dégager pour nous donner des repères pour la formation du psychothérapeute efficace? À un niveau macroscopique, on peut conclure que si les traitements spécifiques et les psychothérapies sont d’égale efficacité, les psychothérapeutes, eux, n’obtiennent pas des résultats équivalents. Le psychothérapeute efficace semble se caractériser par les facteurs suivants :
1) la sensibilité face aux caractéristiques du client
2) la flexibilité dans le choix des interventions
3) la capacité de favoriser un attachement sécurisé avec le client
4) l’utilisation d’interventions qui n’induisent pas un processus de résistance
5) l’utilisation d’interventions adaptées aux patterns et styles d’adaptation du client
6) la capacité d’établir une alliance thérapeutique
7) la capacité de réguler des relations émotionnellement intenses et variables comportant des tensions et des ruptures
8) la capacité d’offrir des réponses empathiques, d’acceptation chaleureuse authentique
9) la capacité d’offrir un traitement optimal tout en étant sensible au client et en régulant l’alliance thérapeutique.
10) la maîtrise et l’application pertinente de techniques adaptées aux besoins du client.

Une question se pose alors de façon encore plus aiguë : comment et à quoi faut-il se former pour intervenir d’une façon qui soit sensible au contexte et flexible, tout en s’engageant dans un processus soutenu de dialogue émotionnel avec le client? Comment réconcilier les aspects techniques des traitements empiriquement validés avec l’expérience indépassable du processus émotif relationnel?
La plupart des programmes de formation universitaire tentent de répondre à cette problématique en dressant une liste de compétences fondamentales à acquérir comportant entre autres l’évaluation, l’intervention, la relation et la supervision. Faute de savoir comment tenir compte des caractéristiques du psychothérapeute et de la relation thérapeutique, ces dimensions sont négligées ou mises à l’écart. On y retrouve la même polarisation que précédemment : d’un côté les protagonistes des traitements supportés empiriquement qui recommandent ce type de formation, soit la Division 12 (APA) de psychologie clinique et de l’autre côté, la Division 29 (APA) de psychothérapie qui préconise une formation axée sur les éléments empiriquement reconnus de la relation thérapeutique. Les critères de connaissance théorique et de maîtrise technique sont privilégiés tant dans la sélection d’étudiants gradués que dans l’élaboration des programmes. Ces programmes sont souvent planifiés à partir de critères objectifs, logiques et unidirectionnels. Les mettre au programme comme s’il s’agissait d’un cours théorique ou d’une technique à maîtriser peut entraîner de grossières illusions de compétence. Pour notre part, nous croyons que tout programme universitaire en psychologie clinique est appelé à reconnaître l’importance de la formation à des savoirs théoriques, à des techniques spécifiques et aux exigences relationnelles et personnelles du travail thérapeutique. Au-delà et en deçà de la maîtrise de compétences théoriques et techniques, il est possible de dégager l’objectif central que tout programme de formation d’un psychothérapeute efficace devrait s’assigner : mettre ce psychothérapeute en capacité d’intégrer les savoirs théoriques, techniques et le savoir être dans l’interaction spécifique avec le client.

Dans l’état actuel de nos connaissances, il semble plus judicieux d’exposer, dans un premier temps, les étudiants gradués aux principes qui sous-tendent les traitements supportés empiriquement tels qu’ils sont proposés par la Division 12 de psychologie clinique de l’APA. Au lieu de s’initier à penser techniques, les étudiants pourraient être invités à réfléchir de façon articulée et flexible aux principes du changement. À une approche prescriptive, nous préférons celle d’une démarche scientifique et conceptuelle. Professionnellement, celle-ci prend tout son sens dans l’application flexible et unique du savoir scientifique en fonction des caractéristiques du psychothérapeute, du client et des problèmes qui l’amènent en thérapie. Il semble prématuré et risqué d’enfermer les pratiques de la psychothérapie en les limitant à des traitements supportés empiriquement, et en négligeant de ce fait les contributions significatives du psychothérapeute, du client et de la relation thérapeutique. Au-delà des spécificités théoriques, l’invitation à réfléchir de façon critique et constructive aux principes du changement thérapeutique et aux facteurs communs ouvre la voie à des apprentissages intégrés du processus thérapeutique, touchant autant les dimensions techniques que les dimensions relationnelles.

Pour arriver à établir et à réguler le dialogue émotionnel requis dans la relation thérapeutique tout en offrant des interventions optimales, le psychothérapeute doit s’appuyer sur des connaissances cohérentes, des techniques pertinentes et intégrées à la personne qu’il est vraiment. Un tel objectif va au-delà des exigences habituelles de cours et de stages, mais tout psychothérapeute en conviendra : lorsqu’il arrive à être congruent avec lui-même et avec le client, il lui est alors possible d’offrir des réponses optimales. Comment parvenir à un tel objectif?

Une formation centrée sur le développement du psychothérapeute

Pour former des intervenants efficaces, la littérature scientifique et la littérature clinique, nous l’avons vu, reconnaissent toutes deux la nécessité vitale de tenir compte des caractéristiques du client, du psychothérapeute, de la relation thérapeutique et des techniques. Les programmes de formation ont tendance à s’intéresser davantage à certaines dimensions plutôt qu’à d’autres. À l’évidence, une approche intégrée semble nécessaire. Apprendre des concepts et des techniques sophistiqués à des étudiants sélectionnés pour l’excellence de leur rendement scolaire se fait sans trop d’écueils. Les aider et les accompagner à s’utiliser de façon optimale et unique dans des moments d’impasse relationnelle, soutenir le développement de leur identité et de leur compétence professionnelles en passant par des moments de doute, de déception et d’apprentissage déstabilisant, voilà un tout autre défi. Pour aider et accompagner l’étudiant dans ses efforts d’apprentissage, il devient crucial d’offrir une approche de formation permettant une intégration harmonieuse et pertinente des savoirs, savoir-faire et du savoir-être.

Favoriser l’intégration des savoirs, c’est offrir des espaces de réflexion invitant l’étudiant à explorer et comprendre les liens et les tensions entre le savoir être, le savoir faire et le savoir. C’est se mettre au service du développement de l’identité et de la compétence professionnelle avec rigueur et pertinence. Dans un programme de formation, d’importantes réflexions pédagogiques s’imposent. Il s’agit, en effet, de tenir compte du fait que le développement de l’étudiant passe par sa quête de certitudes avant qu’il ne soit en mesure de découvrir l’importance de sa contribution comme personne et l’importance de la relation thérapeutique, avant qu’il n’en arrive à intervenir en étant lui-même, avant qu’il ne se sente soutenu plutôt que contraint par les théories et les techniques.

Prenons un exemple typique auquel est confronté chaque étudiant gradué : quelle approche thérapeutique choisir? La plupart des programmes semblent ne pas tenir compte des enjeux touchant le développement de l’identité et de la compétence que comporte une tel processus décisionnel. Sur quels critères se fonder? Choisir une approche maintenant? Ou plus tard? Tenter la démarche de l’éclectisme? Anxieux face à l’ambiguïté et à la complexité, plusieurs risquent de faire des choix prématurés ou basés sur des critères partiels. Skovholt et Ronnestad (1992) soulignent qu’un développement véritable ne peut se faire sans des conditions soutenant et favorisant ces apprentissages. Mais, comment soutenir un développement qui passe nécessairement par des moments de remise en question et de déstabilisation dans lesquels l’étudiant doit risquer d’être lui-même dans un milieu qui valorise la compétition et l’excellence académique? Comment faire en sort que ce processus devienne un lieu et un espace d’apprentissage significatif au service du développement de la compétence et de l’efficacité professionnelles?

Au coeur de ce processus d’apprentissage, plusieurs auteurs soulignent l’importance de promouvoir le développement de la conscience réflexive (Aron, 2000; Lecomte, 1999; St-Arnaud, 1995; Schön, 1987). L’essentiel d’une démarche réflexive est de soutenir et accompagner l’étudiant dans sa quête d’authenticité et de compétence en facilitant l’intégration de ses expériences intellectuelles et émotionnelles, de ses observations et de ses expériences subjectives, de ses expériences personnelles et professionnelles vécues dans le travail thérapeutique avec un client. Ainsi, faciliter le développement de la conscience réflexive, c’est d’abord reconnaître et valider l’expérience unique de l’étudiant et, plus encore, c’est lui permettre d’être l’agent et l’auteur de son développement professionnel. C’est aussi le soutenir et l’accompagner dans sa découverte de sa façon d’être avec soi et avec les autres. Plus que tout, c’est offrir un espace de dialogue et de réflexion pour lui permettre de s’engager dans un processus continu de réflexion personnelle et professionnelle (Lecomte et Savard, 2004). Dans un environnement de respect, de soutien et de flexibilité, l’étudiant découvre que la véritable rencontre thérapeutique passe par la découverte du caractère unique de sa propre expérience et de celle du client. Face aux besoins pressants des clients d’être entendus, encouragés, soutenus et aidés, l’étudiant doit apprendre à gérer avec flexibilité les tensions entre les indications des repérages conceptuels qu’on lui a enseignés et l’expérience vécue avec le client. Découvrir que le territoire de l’expérience vécue n’est que partiellement représenté par les cartes conceptuelles des approches et par les techniques est souvent une expérience déstabilisante. En s’appuyant sur une démarche réflexive face à la complexité et à l’incertitude, l’étudiant apprend à intervenir en tolérant l’ambiguïté inhérente à la situation thérapeutique.

C’est dans ce contexte, mais pas en dehors, qu’il est pertinent de s’interroger sur des techniques ou des moyens pédagogiques tels que le modeling, les jeux de rôles, les démonstrations, les exposés didactiques, les lectures spécialisées, etc. De même que l’enfant est indissociable de sa mère, il est permis d’affirmer qu’on ne peut comprendre le développement de l’étudiant sans tenir compte de son interaction avec son programme d’études. C’est dans cette matrice relationnelle et socioculturelle que se façonnent l’identité et la compétence professionnelles de l’étudiant. Au-delà d’une recherche unidirectionnelle de cause à effet, l’espace de réflexion s’inscrit au coeur d’interactions bidirectionnelles dans lequel, il est possible d’offrir des conditions favorables au développement de l’intégration des savoirs théoriques, techniques, relationnels et expérientiels.

La compétence professionnelle : des traitements validés aux psychothérapeutes efficaces
Dans sa quête de compétence et d’identité professionnelles, le futur psychothérapeute passe généralement par une étape de recherche d’appuis techniques et théoriques pour graduellement découvrir la centralité de la relation thérapeutique et l’influence de ses propres caractéristiques (Halgin et Murphy, 1995). Utilisant ses théories de façon de plus en plus légère et découvrant qu’aucune technique ne saurait répondre à toutes les situations, l’étudiant peut alors prendre conscience de ses modalités d’autorégulation, par exemple de son estime de soi, et de la régulation interactive avec son client pour choisir des interventions optimales. La compétence s’inscrirait donc dans un processus où l’intervenant, - en contact avec son expérience émotive, sensible au contexte interactif, attentif à l’expérience subjective du client -, offrirait, progressivement, des interventions optimales facilitant le changement thérapeutique. Même si l’apprentissage de cette compétence semble plus manifeste, et plus évident à accomplir, dans le cadre des stages et des internats, il semble important que l’ensemble de la culture d’un programme porte et soutienne ce développement autant dans ses cours que dans les activités de recherche (Lecomte, Castonguay, Cyr et Sabourin, 1993).

Ne sachant pas comment articuler et faciliter un tel développement, la plupart des programmes et des corps professionnels limitent leurs exigences à des séquences non intégrées de cours, de stages et d’activités de recherche. La préoccupation centrale est d’abord celle de l’acquisition, observable de façon objective, de critères externes de compétence. Cette démarche repose sur le postulat suivant : si un étudiant a réussi tels cours, tels stages, tel internat et produit une thèse, il est compétent et efficace. Bon nombre de recherches suggèrent que cette hypothèse est souvent infirmée ou insuffisamment investiguée. Le risque de l’acquisition d’une pseudo compétence ou d’une compétence illusoire décrit par Skovholt et Ronnestad (1992) est alors grand. Et ce n’est pas en ignorant la tension majeure entre les dimensions objectives de compétence, que sont les connaissances théoriques et techniques, et les dimensions subjectives de l’expérience de ses propres caractéristiques que seront évitées, ultérieurement, les impasses relationnelles négatives voire l’épuisement professionnel dont témoignent nombre de psychothérapeutes professionnels.

L’arrivée des nouveaux programmes de doctorat en psychologie au Québec soulève d’importantes questions touchant le développement de l’identité et de la compétence professionnelles. Comment faciliter ce développement chez des candidats de plus en plus jeunes, possédant peu ou pas d’expériences professionnelles en matière de relation d’aide? Comment les initier à l’importance et la nécessité du processus continu de réflexion? Comment leur faire découvrir l’importance d’intégrer de façon cohérente leur propre théorie personnelle à leur démarche théorique, à leurs expériences de vie, et à leur personnalité? Comment les aider à prendre conscience que c’est lorsqu’ils parviennent à une autorégulation et une régulation interactive optimales qu’ils peuvent espérer utiliser des techniques avec efficacité? Comment former : - (a) des futurs psychothérapeutes flexibles, réflexifs et attentifs à leurs propres états émotifs, - (b) des intervenants curieux et en processus constant d’apprentissage, - (c) des passionnés de la complexité, de la subjectivité et de l’incertitude humaines, - (d) des psychothérapeutes disponibles émotionnellement à l’autre de façon soutenue et capables d’élargir leur propre perspective, - (e) des intervenants qui savent accompagner et donner du sens à l’intolérable dans une alliance soutenue, - (f) des psychothérapeutes qui, tout en maîtrisant des théories et des techniques, savent les utiliser sans rigidité, toujours prêts à les adapter afin de favoriser la rencontre et le processus de changement thérapeutique?

Comment faire cela, malgré les exigences quantitatives et parfois arbitraires des programmes et des corps professionnels? Plus encore, avec les pressions de plus en plus grandes de production de recherches et d’écrits empiriques que vivent les professeurs, la question de trouver le temps et surtout les conditions nécessaires pour soutenir le développement de psychologues cliniciens compétents et efficaces ne va-t-elle pas se poser avec plus d’acuité encore? Mais, on peut avoir la conviction que ce n’est pas uniquement en ajoutant des heures de stages ou d’internats que ces problèmes pourront être résolus. Le choix est beaucoup plus fondamental. Il comporte des considérations épistémologiques et éthiques. Mettre au coeur d’un programme l’objectif du développement de psychologues cliniciens compétents et efficaces, tel que qu’on a essayé de le décrire, exige une démarche réflexive pertinente, structurée et structurante. Créer un environnement facilitant l’intégration des apprentissages et la conscience réflexive repose sur une concertation volontaire et volontariste, c’est-à-dire délibérée, de toutes les ressources qui visant au développement de la compétence, de l’identité et de l’efficacité professionnelles.

La supervision clinique représente sans doute le lieu privilégié pour favoriser le développement de l’efficacité professionnelle parce qu’elle constitue l’expérience la plus déterminante du développement de l’identité et de la compétence scientifiques et professionnelles du futur psychothérapeute (Rodenhauser, 1997). Le moyen par excellence pour promouvoir des actions concertées qui soutiendront ce développement passe alors et avant tout par le développement de la qualité de la supervision (Bernard et Goodyear, 1998). Il est permis d’affirmer que plus un programme favorise le développement de superviseurs compétents et efficaces, plus il assure le développement de psychothérapeutes compétents et efficaces. Mais, la très grande majorité des superviseurs se sont souvent improvisés comme superviseurs et à peine 10 % d’entre eux ont suivi une formation rigoureuse à la supervision clinique (Watkins, 1997). Si cette situation perdurait, elle risquerait d’engendrer de multiples tensions tant chez le superviseur que chez le stagiaire, au risque évident de compromettre le processus et le climat d’apprentissage. Si le superviseur se sent isolé et laissé à lui-même, il lui sera difficile d’offrir un lieu sécuritaire de réflexion et de développement optimal au stagiaire.

La supervision clinique a connu un développement important au cours des 30 dernières années. S’il doit être un psychologue clinicien compétent, le superviseur doit également posséder des connaissances théoriques et techniques et démontrer, dans le même temps, une expertise pédagogique d’intégration des savoirs. En valorisant la qualité de la supervision, un programme peut espérer créer un espace et un lieu de réflexion centrés sur les processus et les conditions favorisant le développement de l’identité et de la compétence professionnelles. C’est en reconnaissant le caractère complexe, essentiel et crucial de la supervision que s’imposera peut-être la nécessité d’en assurer la qualité.

D’autre part, la supervision des activités de recherche constitue aussi une expérience déterminante dans le développement de la compétence scientifique. Tout en ayant des objectifs différents de la supervision clinique, les deux mettent en oeuvre certains processus d’apprentissage similaires. Ces deux formes de supervision sont au coeur du développement de la compétence et de l’identité de l’étudiant. Pourtant, les liens cohérents permettant une approche intégrée de ces processus d’apprentissage sont à peu

près totalement absents des programmes. Les activités et la supervision de recherche sont conçues et planifiées de façon isolée et indépendante des activités de stages cliniques. Il n’est pas rare d’assister à des affrontements entre les protagonistes de ces deux univers d’apprentissage. Et c’est au coeur de ce processus de dissociation que se retrouve l’étudiant alors qu’il est en quête de cohérence, d’identité et de compétence... Il est permis de penser qu’un programme facilitant le développement de la qualité de la supervision clinique et de la supervision des activités de recherche pourrait parvenir à créer des lieux de réflexion et d’intégration de ces deux univers qui s’ignorent trop souvent. Ce faisant, peut-être réaliserons-nous enfin l’objectif jugé souvent utopique du modèle scientifique- professionnel.

Conclusion
Un débat oppose très fortement depuis quelques années les tenants des traitements spécifiques supportés empiriquement et ceux qui, en s’appuyant également sur des données empiriques, valorisent la relation thérapeutique, les caractéristiques du psychothérapeute et celles du client. Les multiples méta-analyses soulignent toutes, d’une façon ou d’une autre, qu’il est impossible d’annuler les effets spécifiques et uniques des psychothérapeutes, de la relation thérapeutique et du client. Elles soulignent aussi que les techniques sont nécessaires au progrès thérapeutique. Le débat pourrait donc n’être qu’un faux débat. Mais force est de constater que l’intégration de ces deux positions est loin d’être acquise ou établie, alors même que, - au-delà des enjeux politiques et économiques -, on reconnaît de plus en plus qu’étudier les clients ou les psychothérapeutes de façon isolée, dans le cadre paradigmatique de ce qu’on a pu appeler le « mythe de l’uniformité », engendre une fausse représentation de leurs interactions. Ces interactions sont en effet complexes et dynamiques. Elles se manifestent dans des rencontres toujours singulières aussi bien qu’uniques.

L’étude de l’efficacité et du changement thérapeutiques nous invite ainsi à reconnaître que l’impact des techniques et des interventions est intimement lié aux caractéristiques du psychothérapeute, du client et de leur relation thérapeutique. Le coeur de tout processus thérapeutique semble alors reposer sur la régulation d’un dialogue émotionnel entre deux personnes leur permettant d’effectuer des tâches thérapeutiques liées à des objectifs. Les psychothérapeutes efficaces : - (a) sont capables de comprendre et de conceptualiser l’expérience subjective du client à partir d’une disponibilité émotive à soi et à l’autre et d’une écoute du monde expérientiel unique du client, - (b) savent établir et restaurer une alliance thérapeutique favorisant l’engagement émotionnel, - (c) sont engagés dans un processus continu de réflexion de leur autorégulation, de leur régulation interactive et de leur impact pour guider le choix d’interventions optimales et, enfin, - (d) maîtrisent et utilisent des techniques spécifiques et pertinentes, cohérentes avec le processus relationnel et leurs théories ainsi qu’utiles au progrès thérapeutique du client. En reconnaissant le caractère subjectif et intersubjectif de la rencontre thérapeutique où toute intervention prend son sens, les techniques et les processus relationnels, l’émotionnel et le rationnel, le professionnel et le personnel peuvent être reconfigurés au-delà des dichotomies et des polarisations.

Pour aider l’intervenant à être et à se sentir compétent et efficace, un programme de formation doit devenir un lieu d’intégration de savoirs théoriques, techniques et expérientiels. La supervision clinique est le processus le plus déterminant du développement de l’identité et de la compétence professionnelles. Il est proposé qu’il devienne un espace de réflexion privilégié pour favoriser l’intégration des techniques et des caractéristiques du psychothérapeute, du client et de la relation en facilitant le développement de la conscience réflexive continue du stagiaire. C’est en s’appuyant sur cette conscience réflexive, souvent soutenue par une supervision ponctuelle, que le psychologue clinicien pourra négocier, tout au long de sa carrière, la complexité du processus et du changement thérapeutique et poursuivre son développement professionnel.

En 1967, Gordon Paul concluait que l’avenir de la psychothérapie dépendrait de sa capacité à répondre à la question suivante : « Quel traitement, offert par qui, et sous quelles conditions, est le plus efficace pour tel problème spécifique? ». Plus de trente ans se sont écoulés depuis lors. Les résultats des recherches, en particulier de celles qui sont synthétisées par les méta-analyses, suggèrent un portrait plus complexe, ambigu et souvent paradoxal. Peut-être serait-il plus juste aujourd’hui de suggérer que l’avenir de la psychothérapie pourrait plutôt se refléter dans la question suivante : « Quel psychothérapeute, capable de s’utiliser pour favoriser une relation thérapeutique optimale, avec tel client qui a tel problème, offre le traitement le plus efficace qui permette au client de se mobiliser et d’atteindre les buts visés? ».

La littérature, autant scientifique que clinique, nous amène à suggérer que la formation de psychothérapeutes compétents et efficaces dépendra substantiellement de notre capacité à tenir compte des facteurs suivants :
- identifier et appliquer des critères de sélection correspondant aux exigences cliniques de la compétence et de l’efficacité thérapeutique au-delà des seuls critères académiques;
- structurer un environnement cohérent de soutien et de stimulation pour une réflexion continue et l’intégration des apprentissages;
- encourager la pluralité des perspectives dans un climat de respect mutuel, d’ouverture et de cohérence;
- favoriser les lieux et les espaces de dialogue et de réflexion;
- viser l’équilibre, pour les exigences d’apprentissage, entre les besoins d’assimilation, de soutien et les défis déstabilisants du développement.

Pour guider leur choix d’un programme de formation, les étudiants pourraient alors se demander (et nous demander) : « Quel programme (quels professeurs, quels superviseurs, etc.) est capable d’établir une alliance de travail optimale tenant compte des besoins de développement professionnel et scientifique de l’étudiant que je suis, et d’offrir des modalités d’apprentissage axées sur l’intégration favorisant le développement de mon identité, de ma compétence et de mon efficacité professionnelles? ».

Enfin, il est plus que temps de délaisser le mythe de l’uniformité des psychothérapeutes autant dans la recherche que dans la formation. Les résultats de la recherche tout comme ceux de la pratique clinique suggèrent que les qualités, les attitudes et les caractéristiques relationnelles du psychothérapeute contribuent de façon significative à l’effet des techniques spécifiques et à l’efficacité thérapeutique. En fait, l’application pertinente et efficace d’interventions spécifiques est intimement liée à la capacité du psychothérapeute d’établir une alliance thérapeutique et de réguler les impasses relationnelles (Docherty, 1985). Cette conclusion nous amène à recommander qu’un effort collectif soit consacré à l’organisation de programmes de formation articulés et structurés (méthodologies, modalités d’évaluation, etc.), axés sur l’intégration d’apprentissages et la conscience réflexive et favorisant le développement de l’identité, de la compétence et de l’efficacité professionnelles. Dans le même temps, il semble souhaitable et cohérent de recommander que de nouvelles stratégies de recherche soient utilisées pour encourager chaque psychothérapeute, chaque superviseur, chaque stagiaire à évaluer de façon forte et répétée sa trajectoire unique de développement, son travail thérapeutique, sa formation, sa supervision. À l’aide de méthodologies pertinentes et non intrusives, chacun pourrait ainsi identifier et analyser les comportements, les interventions et les attitudes qui contribuent au développement de psychothérapeutes efficaces et au changement thérapeutique. Ce serait ainsi participé à l’avancement de la compréhension des facteurs contribuant au changement thérapeutique.

dimanche 24 février 2013

Critique de l'université Paris 8

Points négatifs :

- Sécurité des étudiants : il y a eu des accidents dans certains amphis avec des étudiants qui fument et boivent et font du bruit lors des cours.
- Inscription universitaire : elle peut durer longtemps quand on sait que l'on est 300 lors de cette journée... J'ai attendu près de 2H30 avant de pouvoir m'inscrire. Vous êtes dorénavant prévenu ! Vaut mieux se pointer tôt et prendre sa place pour le cours désiré.
- Amphis dégradés : de nombreux amphis sont tagués avec des tables salis. C'est dommage pour l'ambiance !
- Trouver les salles : il y a de nombreuses salles que vous devez trouver et qui sont parfois dispersées aux 4 coins de l'université. Il devrait nous distribuer une carte claire et précise, ça faciliterait bien des choses.
- Bibliothèque universitaire : il faut toujours avoir une carte pour entrer à l'intérieur.
- Manque de places et matériels : dans certains cours, il manque des chaises et des tables !! Sérieux, ça doit changer. Merci pour le minimum.

Points positifs :

- Emploi du temps : vous pouvez composer votre propre emploi du temps selon vos disponibilités (idéal pour ce qui travaille). Il y a même des cours à 18H jusqu'à 21H.
- Beaucoup de temps libre : vous pouvez faire en sorte de ne pas avoir cours le vendredi, ce qui fait que vous avez un week end de 3 jours !
- Beaucoup de commerces et magasins : vous n'aurez aucun mal à trouver quelques choses à manger. Il y a une dizaine de magasins (sandwicheries, cafétérias, Crous, boulangerie, restaurant..etc).
- Associations sportives intéressantes : on peut rencontrer, partager des bons moments sportifs avec du monde, et découvrir de nouvelles activités.
- Réunions et fêtes : dans le bâtiment A se déroule parfois des événements où il y a de la bonne musique avec une bonne ambiance. Profitez en pour faire des rencontres.
- Bibliothèque superbe : j'adore le cadre, beaucoup de places, de livres intéressants, qui ouvre même le samedi de 10 à 17h30.
- Toutes les licences sont réunies (musique, cinéma, langues, sociologie, psychologie...etc), ce qui permet de rencontrer beaucoup de monde.

Quezako ?

samedi 23 février 2013

Psychologie ergonomique (Perez) : histoire de la psychologie ergonomique

Repères historiques

1) Introduction :
Etude homme machine :

Une préoccupation ancienne... bien avant la main de l'ergonome.

De tout temps, une constante préoccupation !
- diminuer la peine de l'homme au travail et prévenir les risques sur la santé (CH).
- améliorer l'efficacité du travail humain (CP)

Adopter les moyens de travail à l'homme : des acteurs divers...
- médecins et hygiénistes (protéger la santé)
- ingénieurs et organisateurs du travail (augmenter l'efficacité)
- utilisateurs (adaptation des outils, systèmes de travail par les travailleurs)
- chercheurs (comprendre le fonctionnement de l'homme en activité)

2) Antiquité au 20ème siècle :

a) courant hygiéniste

Objectifs :
Souci ancien de l'adaptation des outils et des équipements à l'homme :
- les conséquences du travail sur la santé (déforation verticale chez les tailleurs de pierre, intoxication au mercure...)
- diagramme et remèdes (moyens pour  ventiler les galeries de mines, recommandation sur dimension des espaces de travail...)
- décrire les conséquences du travail sur la santé
- en identifier les causes et en comprendre les mécanismes
- trouver les moyens de les prévenir/préserver l'homme des naissances au travail

Les hygiénistes et les médecins :
- (Moyen Age) Armanda de Villeneuve (1235-1313) : médecin. Etude des conditions de travail; intérêt marqué pour les facteurs environnementaux (chaleur, humidité, poussières toxiques) (verriers, forgerons, teinturiers, etc)
- (Renaissance) Ramazzini (1633-1714) : médecin italien. Décrit les relations entre troubles de la santé et conditions de travail dans 52 métiers (maladies chez les accoucheuses, troubles visuels chez les bijoutiers, problème de jambes chez les mineurs, etc). Observation sur le lieu de travail.

Prescriptions faites par les médecins et hygiénistes :
- pas la suppression des causes...
- mais des protections individuelles et des mesures en termes d'hygiène de vie au travail (pour les bijoutiers, relever la tête de temps et regarder au loin)

(19ème) Patissier (X-X) :
Protection sur les machines, et recherches techniques pour concevoir des machines diminuant les travaux lourds et dangereux.

Villermé (1782-1836) : "Pionnier" de médecine du travail française. "Conditions dans lesquelles travaillent les ouvriers" (1840)
Chargé en 1832 par l'académie des sciences morales et politiques d'un rapport sur les conditions de vie de la classe ouvrière.
Il s'observe, interroge, fait des études de porte le travail.
Série d'actions, par voies réglementaires et législatives sur les conditions de travail (lois sur l'age au minimum d'embauche des enfants...).
Mesures et techniques
Mesures réglementaires et législatives

Clémenceau et le travail des enduiseurs...
Intoxication au plomb (saturnisme) comme depuis l'antiquité.
1904 : interdiction de carbonate de plomb (céruse) au parlement (mais décidée et appliquée qu'en 1948)
Mais opposition des patrons d'entreprises de peinture, qui renvoient la responsabilité des intoxications aux ouvriers qui n'utilisent pas les moyens de protection.
Plaidoyer de Clémenceau (1841-1929) très proches des analyses  de l'activité actuelle.
Prescription d'une opération d'enduisage :
"2 procédés sont utilisés :
- le premier se pratique avec 2 rouleaux à enduire dont l'un sert à prendre l'enduit où il a été préparé;
- le deuxième consiste à n'employer qu'un rouleau et à prendre directement les pâtes à induire avec la main gauche.

Le deuxième procédé jugé plus expéditif est généralement exigé des entrepreneurs.
Les enduiseurs se trouvent souvent avec de la pâte jusqu'en dessous du poignet gauche.
Comme l'enduit est composé d'huile de lin, l'essence de térébenthine, de blanc de céruse, on ne s'étonnera pas de la fréquence des accidents d'intoxications saturnine chez les enduiseurs.
C'est pour cela que l'article numéro 2 interdit aux enduiseurs.

Comment Clémenceau prend le problème ?
1) Interdiction de la main à la pâte : il rejette sur le travailleur leur responsabilité, économiquement non viable.
2) Interdiction de la céruse pour la peinture et les induits : il supprime la cause.

Véritable diagramme de nature psychoergonomique liant les effets (saturnisme) à des causes (la céruse) par l'intermédiaire de l'activité (mettre la main à la pâte) et de ses déterminants plus larges (vitesse et rentabilité).

Courant hygiéniste et ergonomique ?
- Fondement éthique partagé
- Un objectif pratique, des "recommandations"...
- mais globalement peu de prise en compte des situations réelles, pas d'analyses du travail développées (étude des toxiques, perspective épidémiologique, éloignement de la situation de travail).

b) Courant productiviste

Objectifs :
- Comment rendre le travail plus efficace ?
- Comment retrouver le meilleur travail ?
- Comment faire pour travailler mieux ?

Remarque :
Représentation énergétique de l'homme au travail :
- L'homme comme un système de production d'énergie; comparaison du travail humain à celui des machines (ex : définition du port de charges maximum)
- Considérations physiologiques et biomécaniques; développement techniques

Quelques grands noms :

(17ème) Vauban (1633-1707) : définit les charges à déplacer en fonction de variables telles que la distance, la pente, la qualité du sol, la saison.

(18ème) Chevalier de Dams : conçoit les outils et des machines équilibrés "grâce auxquels l'homme se fait moins mal" et qui seront étudiés "avant de commencer à travailler".

Coulomb (1736-1806) : publie "la force des hommes" : évaluation par l'expérience et le calcul du travail quotidien moyen, tenant compte des ambiances et des capacités de compensation des travailleurs.

Lavoisier (1743-1794) : expérience sur l'homme au travail et au repos "basées sur l'analyse des gaz responsables recueillis au cours d'une tache décrite avec précision.

Taylor (1856-1915) : ingénieur, auteur de "the principles of science management". L'organisation scientifique du travail (OST) est une méthode de rationalisation de la production visant l'augmentation de la productivité.

Principes du management scientifique ou OST :
- La spécialisation : chaque employé réalise toujours les mêmes taches.
- La fragmentation : le travail est fragmenté en taches élémentaires, les temps d'exécution sont définis par chronométrage.
- Séparation entre l'exécution/controle/conception.
- Contrat contre la "flanerie" : paiement à la pièce.

- Etude du travail par l'analyse du développement des taches (méthode des temps et mouvements).
- Décomposition des phases successives du travail.
- Recherche des gestes les plus efficaces.
- Adaptation des outils.

F. B. Gilbuth (1868-1924) :
- Pionnier des études des mouvements.
- Développement des méthodes d'analyse et d'évaluation de l'exécution des taches.
- Les taches sont fragmentées en "éléments basiques". Les mouvements inefficients ou redondants sont supprimés.

Courant productiviste :

- L'étude du travail et le management scientifique ont été les pionniers des études des temps et mouvements et de l'ingénierie humaine.
- Les critiques des temps et mouvements : ces études ne regardent que l'aspect superficiel de l'exécution des taches.

Déspécialisation des artisans.
Création du travail répétitif.

Courant productiviste et ergonomie?
- Objectifs pratiques, objet thérique et orientation déontologique éloignés...
- Mais ce courant pose les fondements de l'analyse du travail.
                  - Analyse du travail revendiquée au fil des ans.
                  - Premières méthodologies pour le devant de l'analyse du travail.

La psychologie du travail :
Fin du 19ème / Début 20ème siècle : développement de la psychologie du travail / psychotechnique

Objectifs et application de la psychologie du travail :
Comment trouver le meilleur travailleur possible ?
Comment produire le meilleur travail possible ?
Comment arriver au meilleur résultat ?

La psychotechnique et la théorie des aptitudes

Ecole française de psychotechnique (Toulouse Psychiatre) :
"une organisation de la société et du travail fondée sur l'étude scientifique des aptitudes" (1900-1940).
"Théorie des aptitudes" : sélection des individus pour les taches qui leur conviennent.

Objets :
- Déterminer les aptitudes pour chaque profession.
- Orienter la politique de formation.

Méthodes :
- Majoritairement des études de labo.
- Lahy (1872-1943)n, premier à se spécialiser dans cette discipline.
Analyse des causes et effets de la fatigue
Utilisation des tests à des fins de sélection

Les débuts de l'ergonomie, avec l'étude de l'activité de travail

S. Pacaud :

Etude de philosophie et de psychologie, assistante de lahy (préparation des tests).

Elle montre la limite des tests.

Anecdote : échec d'une ouvrière d'un atelier de perçage à un test de labo, car le test ne permettrait pas l'anticipation permise par la machine dans l'atelier et préconise d'aller sur le terrain pour comprendre l'activité réelle.

Paccaud décide de s'intéresser à l'analyse du travail.

Recherches sur le travail des téléphonistes en 1949 : analyse et catégorisation des différences de cette population dans leur métier.

Etude à la SNCF, par "auto observation", des métiers de téléphoniste et d'agent de gare : montre la complexité d'activités répétées simples, ajustement des tests initialement prévus.

Intro :

Histoire de l'ergonomie en rapport étroit avec l'histoire du travail, l'histoire des mouvements sociaux, l'histoire des idées et des sciences.

TP : retracer le développement de l'ergonomie (travailler en binôme à partir d'entretiens)
=> Texte hommage à Pierre Cazamian avec questions...

Naissance de l'ergonomie :

1857 : première utilisation du terme, par Jastrzebowski (philosophe polonais)

1949 : Marrell (ingénieur et psy anglais) crée la première société d'ergonomie (Ergonomic Research Society)

En France : conditions de travail reconnues comme un domaine important.

1941 : comité d'hygiène et sécurité (CHS) (qui ne deviendront CHS-CT qu'avec les lois Auroux, 1984)

1947 : création de la médecine du travail

Dans pays francophones, développement de centres de recherche et d'études...

Industrie :
- Centre d'ergonomie minière (Pierre Cazamian, France);
- Centre de recherche pour l'amélioration de confort et de la sécurité des véhicules (Alain Wisner, France);
- Centre de recherche et d'action dans l'industrie horlogère, pour diminuer les risques et défauts (P. Ray, Suisse).

Secteur public :
- Conservatoire National des Arts et des Métiers : physiologie du travail musculaire (C. Soula, J. Schener)
- Centre d'études appliquées au travail (CEAT) (environnement physique, travail porté, normalisation ergo) (B. Metz, Strasbourg)

1955 : parution de "l'analyse du travail" par Onbredane et Faverge, ouvrage majeur pour l'évolution de l'ergonomie francophone.

Pose les jalons de l'analyse du travail... pas d'allusion aux travaux de Pacaud.

Début 60's, 3 phénomènes :
- Changement de problématique sur les problèmes du travail : situer l'homme au centre du travail et donc de la conception des moyens de travail
- Rôle important joué par des universitaires
- Sortir des structures administratives et politiques (nationales et européennes) : la production et la sécurité doivent être conçues à partir des travailleurs, de leur fonctionnement, de leur activité au travail (et non l'inverse).

1963 : création de SELF
- promouvoir l'ergonomie dans les pays de langue française
- ergonomes praticiens, chercheurs, médecins du travail, ingénieurs, etc...
- congrès tous les ans

Informations : anglais pour psychologues (Lynn Léger)

Grading scale evaluation methods :
Final exam (may 30th) : 50%
2-3 homework assignments : 30%
Attendance/participation : 20%
Total : 100%

Textbook : Masse et al., 2011, Anglais pour psychologues. Paris : Dunod.

Résultats Tests d'Anglais

Test réalisé sur le site oxfordenglishtesting.com

Oxford online placement test :
Score : 50
Time taken : 54 min
CEF : B1

Use of english :
Score : 62
Time taken : 21 min
UOE : B2

Listening :
Score : 37
Time taken : 33 min
L : A2

Différentes approches des troubles mentaux : introduction (Sironi)


Qu’est-ce qu’une approche* ?
Synonyme : courant théorique / modèle

Quels sont les différents troubles mentaux ? – Répertoriés dans le DSM 4 : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – manuel de référence qui classifie et catégorise des critères diagnostiques et des recherches statistiques de troubles mentaux spécifiques.

Pas de hiérarchie entre les différentes approches => vision intégrative

Exemples d'approches :
-        Modèle Psychodynamique (très en vogue en clinique )
-        Modèle Psychoanalytique
-        Modèle biomédical / neuropsychologique / neurosciences (pas réellement d’interventions thérapeutiques)
-        Modèle systémique
-        Approche cognitive et comportementale (Stimulus à Réponse )
-        Approche psychosomatique
-        Traumatisme psychique et organisation traumatique de la personnalité et de la psychopathologie
-        Approche ethnopsychiatrique et géopolitique clinique
-        Modèle humaniste / Psychologie transpersonnelle / Psychologie spirituelle
-        L’hypnose [Léon Chertok]

Continuum (ensemble d'éléments tels que l'on peut passer de l'un à l'autre de façon continue) entre le normal et le pathologique.
Approche = Modèle théorique / Méthode d’investigation
Comment se construit l’approche ?
Les différentes approches perdurent par leurs critères de pertinences, de scientificité et d’usage.
Critère d’usage => question très importante.
Il n’y a pas de modèle général dans les troubles mentaux.
La psychanalyse a cette prétention de pouvoir tout expliquer.

Neuroscience => Tout ne se voit pas ! Un grand nombre de troubles mentaux ne sont pas visibles par IRM.

Le thérapeute choisi son approche en fonction de son approche universitaire. Paris 8 a une approche intégrative* : l’université ne privilégie pas une approche. Tout se vaut.
Approche intégrative = approche qui intègre les différentes approches.
L’approche est un choix pour le psychologue qu’il fait en fonction de sa formation universitaire, de son histoire personnelle etc.

L’efficacité des différentes approches* => théorie et en même temps mode de soin = pratique thérapeutique.  On ne considère pas aujourd’hui qu’une approche soit plus efficace qu’une autre.

Méta-analyse = Le terme méta-analyse désigne  le regroupement de plusieurs études de nature statistique et de taille relativement modeste ayant pour but d'augmenter le nombre des malades inclus. À partir des méta-analyses il est possible de tirer des conclusions générales.
Le terme méta-analyse peut également se définir comme une compilation des études sur le même sujet.

Fouques (2004) a fait une méta-analyse (on lit toute la littérature des revues scientifiques et on fait une analyse de toutes ces études).
En travaillant sur les études faites en France, au Canada etc. Toutes montrent une équivalence des psychothérapies : toutes y compris la psychanalyse.

Toutes les approches ne sont pas bonnes pour tout le monde. Que montre cette méta-analyse ?
Quelle que soit l’approche :

-        l’efficacité se situe entre 70 et 80% des cas
-        environ 20% des patients ne relèvent pas d’améliorations
-        pour environ 10% des patients, on observe une aggravation des symptômes

Ca dépend de la demande et de l’adresse* : cette personne est-elle bien adressée pour cette approche ?

Dans le cas de traumatismes psychiques, on peut se dire que l’hypnose peut être indiquée. Et bien NON. Pourquoi ? S’il y a refoulement, c’est-à-dire une volonté active du psychisme d’oublier pour continuer à vivre, parfois des patients peuvent retrouver le souvenir traumatique trop violemment et sombrer dans la psychose traumatique.
Les 10% d’aggravation peuvent être liées à cela. Par l’hypnose, on peut aussi retrouver de faux souvenirs, donc des choses qui sont arrivées : pas dans la réalité mais dans des rêveries, des fantasmes…

Chaque approche a ses limites.

La psychanalyse => Le patient est allongé sur un divan. Si le patient est anxieux, s’il a des peurs, une angoisse persécutive, il ne sera pas à l’aise avec le dispositif.
Chaque approche n’est pas indiquée pour tout le monde.
Dans le cadre des 20% qui ne relèvent pas d’amélioration, il faut pouvoir changer d’approche thérapeutique.

Il y a des variables psychologiques qui interviennent dans le processus thérapeutique quelles que soient les approches.

-        65% relèvent du patient => Si l’approche fonctionne c’est grâce au patient , de son engagement initial : « Je souhaite faire une psychothérapie », de son degré d’introspection (auto-observation : capacité d’être un bon observateur de son propre psychisme).
-        25% relèvent du psychologue : la personnalité du thérapeute => qualité personnelle et professionnelle, empathie valent seulement pour 25% dans la réussite, l’efficacité de la thérapie.
-        10% tiennent à la technique en elle-même

Vocabulaire 

Décompenser => Quelqu’un peut avoir une structure psychotique mais vivre « normalement » tant qu’il ne rencontre pas une personne qui le fait décompenser* : ce qui vient et qui « casse » tout d’un coup.

Empathie => Capacité de pouvoir penser les pensées des autres, ressentir les ressentis des autres, mais de ne jamais perdre son propre sens de gravité : tout en restant soi-même.

Contre-transfert => Dans la cure psychanalytique, le contre-transfert désigne le sentiment inconscient qu'éprouve l'analyste, le thérapeute, en réaction aux sentiments inconscients ressentis par l'analysé dans le travail d'analyse. Ces sentiments de contre-transfert facilitent chez l'analyste la compréhension de la nature du conflit intrapsychique vécu par l'analysé dans son travail d'analyse et son interprétation dynamique en vue de l'amélioration de son état.

Site intéressant à voir (webographie) concernant les questions de l’évaluation :